Harlem, 1981. Francisco Newman transbahute leur fils Daniel. Alison Mills Newman pousse leur fille Leaf. Elle est actrice (elle a été la première adolescente africaine-américaine dans une série télévisée), lui cinéaste (il a été le premier à filmer Angela Davis en prison).
Ils vivent la plupart du temps en Californie, à gauche à droite, chez des amis (qui rendent les castings moins pénibles, et les galères plus supportables). On danse beaucoup chez les Newman. On participe aux fêtes à Hollywood, on tente de convaincre les producteurs, on travaille avec sérieux, on écoute des disques des nuits entières, on rigole beaucoup et surtout, on ne manque aucunement de lucidité sur les commérages d’une bonne partie de la population blanche de ce pays à notre égard.
Pour avoir une idée de leurs échanges (on devine sur cette photographie de Chantal Renault que ces deux-là se parlaient sans arrêt), on peut lire le fascinant carnet de bord d’Alison Mills Newman, paru en 1974 et tout juste retraduit en français par Serge Chauvin aux éditions Zoé, sobrement intitulé « francisco ».
C’est un texte qui n’a l’air de rien, qui ne pourrait être qu’une chronique de l’époque. Sauf que son apparente légèreté révèle des phrases d’une liberté folle. Et la fin va vous surprendre.
« Cinq minutes après le serveur est arrivé avec un bol de guacamole ou on aurait cru qu’il s’était déjà servi, lui et tout le personnel de la cuisine qui avait sûrement craché dedans aussi. Les années 70 n’en finissent pas – les blacks de L.A doivent encore gaspiller leur énergie à cause de la bêtise de certains blancs. »