« Toute cette vie passée dans la fumée du rêve. Ne se souvenir de rien, si invraisemblablement peu. Cette absence de mémoire est aussi une absence d’attention, un défaut de présence au monde. Je me dis, c’est par le corps qu’il faut chercher, ce qu’il a composté de nos gestes, les frissons de la peau, les lits du sommeil, les lampes de chevet, les armoires, la forme d’une clef ; ce que les yeux ont saisi de la mer insensée, (…). Le coffre du corps, il faudrait l’ouvrir. »
De livre en livre, on s’ébahit de la justesse des propos, de la grâce et de la beauté de la langue de Jane Sautière. Dans « Corps flottants », l’autrice revient sur son adolescence au Cambodge, et sur ses souvenirs, à la fois ténus et formidablement précis, de cette époque. Elle les confronte avec sa connaissance de l’Histoire du pays, celle des Khmers rouges, d’un massacre de fuites, et ce que l’on ne peut réellement voir qu’avec le recul du large et des années. Un récit d’une immense beauté.